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La Capuche

  • : le bonhomme capuche
  • : Epicerie à bricoles. Collages en stock, phrases à tiroirs, anecdotes nocturnes et papillons.
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Dans Le Fond De Ma Capuche

16 mai 2006 2 16 /05 /mai /2006 21:45


Maman dit qu’elle rêve de robinets de sang. Du sang rouge qui roule, qu’on ne peut plus arrêter, et on met les mains dessous, et les mains sont pleines de sang. Maman dit qu’elle rêve de larmes, qu’elle se noie, qu’elle ne peut plus respirer et se réveille en sueur, dans des draps de sel.
On veut la mettre dans une boîte d’allumettes. Elle est trop grande, elle ne rentre pas, on la pousse on la sert on l’étouffe, et on veut refermer la boîte, toute petite, minuscule, avec toutes les têtes rouges menaçantes près de la sienne qui grondent qu’elles vont s’enflammer, qu’elles vont l’embraser, toute crue, toute nue, ridicule. Sa chemise de nuit disparaît parmi les allumettes.
Elle est la petite marchande d’allumettes. Elle a froid, ses pieds sont nus, elle n’a rien à manger et il neige. Elle craque les allumettes pour crever dans la neige (on dit que sa grand-mère vient la prendre dans ses bras pour l’emmener au ciel, où il fait toujours chaud – je n’en crois rien, et je sais que les couteaux tranchent les veines des bras aussi bien que les dents).
Maman est toute petite osseuse perdue dans sa chemise de nuit. Les larmes me viennent mais il ne faut pas que je pleure. Sa robe est trop grande. Je vais la prendre dans mes bras.
Maman est dans sa chambre, à l’hôpital. Ils lui ont barbouillé les joues et les yeux, elle est rose grotesque, ses pupilles sont éclatées – elle gargouille le coca-cola light et ses paumes sont toutes écartées vers moi. Elle me sourit. Elle est malade. Ils lui ont donné des médicaments. J’ai peur.


Maman me dit que tout va bien et qu’elle va mieux de jour en jour. Affairée, elle soulève le cristal du tourne-disque et doucement lance la mélodie apprise par cœur : « Ne vous inquiétez pas, je vais bien, je vais mieux, ne vous en faites pas. » Je m’en fais. Je sers les dents. Mon front est buté sous la montagne de capsules à larmes. Je ne les ouvre pas. Je les traite par le mépris. Je ne mange pas de ce pain-là.
Je ne réponds rien.
Je récite la mélopée apprise par cœur : « C’est bien, oui, tu as raison, je suis contente de l’entendre, tu es sûre, bon, je t’embrasse, je te rappelle très bientôt. »
Les capsules résistent. Les larmes sont là, en armures, en rang d’oignons, lances dressées vers le ciel ; elles attendent, elles piétinent.
Je ne vous laisserai pas foutre ma journée en l’air.


Maman dit qu’elle est K-O. Maman dit que c’est Aniss qui trinque le pauvre. Une pensée traverse mon esprit en courant comme un dindon fou. Dépenaillé. Aniss ! Aniss doit avoir la frousse, Aniss doit être mort de froid, de bleu froid et rayé comme de la glace, dans cette maison qui pue la mort, cette maison où les couteaux coupent des veines et chialent du sang – où les petits papiers charrient des mots de mort.
Je prends mon téléphone. J’appelle Aniss.
Sa voix sent le soleil de mars. Je ne sais pas trop quoi lui dire, j’écoute la joie qu’il coule à chaque bout de phrase sonnante.


Aniss, mon petit frère, mon grand bonhomme de cheveux, l’arbre tendre dans ma tête, mon petit frère.

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commentaires

A
J'ai les larmes aux yeux ... C'est triste, mais l'écriture est belle et exprime parfaitement bien ce que je ressens moi aussi ...
Répondre