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La Capuche

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  • : Epicerie à bricoles. Collages en stock, phrases à tiroirs, anecdotes nocturnes et papillons.
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Dans Le Fond De Ma Capuche

2 janvier 2007 2 02 /01 /janvier /2007 12:03

L'histoire est comme un sac plastique plein d'eau, qui éclate.
Je la raconte.


Elle a commencé un soir, dans mon Chariot d'Or, c'est Elias qui m'a appelée, mon frère. J'ai pris le fil avec ma voix rigolarde, car je pensais que c'était rigolo, et comme Elias n'appelle pas souvent, je me suis dit qu'il devait vouloir m'annoncer un deuxième bébé, une seconde merveille du monde en route quelque part dans la couche culotte d'une cigogne, après ma Grenouille Framboise et ses yeux bleus méditerranée.

Puis la voix - la sienne, la mienne aussi - s'est infléchie dans le trouble et les vagues, et Jadd qui était dans la pièce s'est immobilisé à côté de moi et du téléphone perché. J'ai attrapé mon front. Pour pas qu'il bouge, pour qu'il reste là. Un grand truc noir est tombé lourd par dessus ma tête, un genre de tissu, ou de la poussière, du type qui tache longtemps et qui s'accroche.
J'ai voulu prendre les choses en main, dans mes mains qui glissaient ; j'ai dit à Elias j'appelle Prune, oui merci, merci d'avoir appelé ; j'ai raccroché - Jadd a dit c'est un accident de voiture ? Il avait peur dans sa voix.
J'ai dit non. J'ai remonté ma tête. Elle a essayé de se suicider.
C'était le 21 mars 2006. Lundi. Un jour du printemps. On était le soir.


Je me suis assise dans le canapé. Rouge. Je me suis mise à pleurer - c'est là que le sac plastique s'est troué je crois.
Je suis retournée au téléphone ; j'ai appelé Aniss d'abord, puis j'ai appelé Prune.
Elle, elle était à l'hôpital, au CHU, elle dormait ; je l'ai vue m'a dit Elias, mais elle dormait (lui, il avait pleuré aussi, à côté d'elle, de son lit, à l'hôpital, et elle dormait).
Il a dit : elle a pris des médicaments et elle s'est coupé les veines. Il a dit : après ils vont la transférer à l'hôpital psychiatrique.
Ca va bien maintenant il a dit.


Le lendemain, le monde tanguait, comme dans une immense mer à vomir, les larmes en permanence juste au bord des yeux. Les larmes, le sang, les veines, la mort.
Je crois que c'est le lendemain, ou le jour d'après, qu'elle a été transférée à l'hôpital psychiatrique. Moi, j'avais le numéro de téléphone, j'ai appelé, pour avoir des nouvelles ; la dame a dit "vous voulez lui parler ?", et moi, j'étais pas préparée, je pensais pas, et j'ai dit oui ; j'étais assise avec le téléphone par terre sur le lino froid de la salle, et je tremblais. J'ai entendu le son de sa voix quand elle a dit allo - et elle était encore en vie.


J'ai dit "maman ?" - mes larmes se sont mises à couler toutes seules en liberté et je pouvais plus rien arrêter de ce qui sortait de là, en fleuve blanc, sur le lino froid. J'ai dit des lignes plates avec les détails matériels ; le lit la pièce la fatigue la tête les médicaments le docteur la tête le lit les médicaments les poignets le lit le ventre la nuit
avant de raccrocher il fallait que je dise et c'était facile comme les larmes qui me coulaient toutes seules maman je t'aime tu le sais ça hein et je prenais ma voix de mère - je suis la mère de la malade à l'hôpital dans son lit avec ses veines.


Je suis partie la voir à l'hôpital. C'était un vendredi. J'ai collé en pièces de pâte à modeler une énorme montagne sur mon dos ; j'ai pris le train ; il pleuvait ; le monde aurait voulu le faire exprès qu'il aurait pas fait mieux ; l'univers était gris ; et je tenais mon courage, avec ma responsabilité, dans un sac, sous écroux.
J'ai déjeuné avec Elias. On a mangé des sushis. On a parlé du sang qui circule dans les veines, et si on l'enlève, yen a plus. J'ai pris le tramway, le bus, l'hôpital était immense, une terre entière plantée de pavillons de fous tous pareils, entre les lignes tortueuses des chemins gris, des carrés de gazon ras, des voitures roulants au pas. Il pleuvait. Le médecin. L'infirmière. Je marche jusqu'à la chambre de ma mère. A l'hôpital. Blanc. Gris. Fou. Avec les odeurs.


Dans l'embrasure je la vois, elle me regarde avec un sourire dedans. Elle n'est pas triste.
Ses yeux sont enflammés, mouillés, brillants, ses bras malingres, elle est rouge, rose, brune, tout brille, de la folie ou de la joie artificielle, sous mille drogues, sa voix cassée, son corps flotte dans ses vêtements de toutes les couleurs, elle ne sent rien, plus la souffrance, ou si peut-être, elle sourit, elle rigole, elle parle beaucoup, elle est là, mais elle n'est pas là, ses yeux d'eau ou qui pétillent comme la maladie, je suis là, je suis mal, je suis folle, je fais ce que je peux, j'ai envie de pleurer, je ne pleure pas, je l'appelle maman, je lui parle, je pose des questions, je regarde, j'écoute, je fais ce que je peux, je suis fragile, je tiens, je suis debout, je tangue, j'ai envie de pleurer, je suis adulte, je suis forte, je suis à l'hôpital, je suis avec ma mère, toute petite, maigre, elle rigole.


Le lendemain, je suis revenue avec Prune.
Maman nous a serrées dans ses bras. J'ai senti ses épaules fragiles, senti comme elle est petite, trois pommes de folle, trois pommes de douleur, rose rouge brun.
Elle dit qu'elle ne va pas recommencer.
Elle est folle au coca light, et dessous, il y a la douleur.

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commentaires

A
être forte, quand il le faut et parce qu'on n'a pas le choix, je crois qu'on trouve le moyen, la ressource, quelque part, quelque chose de suffisant pour faire office de.mais la douleur...la tristesse,l'angoisse malgré la promesse,et l'inquiétude de ne pas trouver comment, quoi faire pour que l'autre aille mieux,ça, je ne sais pas s'il existe un remède.je crois pas. on traine ça, lourd, on se le traine.mais donner de l'amour, il est toujours reçu, voir ses enfants forts et près de soi, avec ou sans médocs ça compte, parce que c'est fort, mine de rien, et j'en connais qui ont repris des forces de vie, après avoir foncé dans le gouffre même plus d'une fois.c'est tout ce que je sais, et c'est totu sauf une promesse,je pense à toi,fortfort
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M
"Sois sage, ô ma douleur, et tiens toi plus tranquille..."<br /> et la douleur a voulu flirter avec la vie.<br /> <br /> (((ox)))<br /> <br />
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