750 grammes
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La Capuche

  • : le bonhomme capuche
  • : Epicerie à bricoles. Collages en stock, phrases à tiroirs, anecdotes nocturnes et papillons.
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blablabla, blablabla, bla,

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Lyon blablablabla.


et des blablas rouges aussi

(des fois).

 

une tasse de thé ?

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Dans Le Fond De Ma Capuche

17 décembre 2005 6 17 /12 /décembre /2005 09:45



tu vas peut-être te dire que c’est de l’orgueil mais je ne le pense pas, car moi, dans tout ça, je suis toujours pareille, la mère de famille, trop simple sûrement, j’ai toujours eu des complexes, et mes 75 kgs n’arrangent rien depuis toujours, André me dit que je suis trop bête de toujours me croire inférieure ce doit être ça manuellement, hélas – en cela ils tiennent beaucoup de leur mère qui n’a jamais été bien habile de ses mains - souvenirs qui font chaque fois sourire (ironiquement, mais oui !) mes garçons quand j’en reparle, et c’est souvent, crois-moi ces messieurs me disent chaque fois : « Ah ! ça y est, on va entendre parler de Bousbecque-les-Bains ! », je n’ai jamais renié mon Nord, et ceux qui veulent me voir monter en flèche n’ont qu’à aborder ce sujet chaque fois, ils réussissent, quant à nos trois garçons, tu penses qu’ils ont poussé ! et pas toujours en sagesse, mon Dieu, non ! ils arrivent à considérer tous les sacrifices qu’on fait pour eux comme des choses normales quel gros souci pour une mère poule comme moi de ne pas avoir d’université dans sa ville, on essaie de se mettre à leur diapason, de discuter avec eux pour bien comprendre leurs problèmes – réels - , mais ça finit bien souvent par cette phrase : « Mais vous n’y comprenez rien ! », qui malgré son âge oublie de grandir, ce qui m’inquiète assez – 1m45 – et a été le plus délicat des trois malgré mon opposition (que faire contre ces quatre hommes ligués), tu vois, chère Marthe, à quel point je suis dépassée dans cette maison, où par moments un peu de détente serait bien nécessaire, c’est beau d’arriver ainsi, mais ce sont quand même des soucis permanents, et des enfants trop évolués pour leurs âges

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16 décembre 2005 5 16 /12 /décembre /2005 09:44

Journal.

 

Jeudi 12 décembre 1968.

 
Ce soir nous avons mangé le pot-au-feu que j’avais préparé hier dans l’après-midi, la viande était trop cuite et l’ensemble s’en ressentait. La machine à laver a tourné sans que je trouve le temps d’étendre le linge, qui sentira sans doute un peu demain matin. Pas de grandes discussions à table, depuis que Roland est parti plus encore on entend le bruit des fourchettes. J’ai rencontré madame Lebrun ce matin en allant aux commissions. Sa fille a la grippe. Elle ne pardonne pas cette année et le docteur Martin ne lui a prescrit que des aspirines. Le temps est blanc depuis le début de la semaine. Le froid supportable.

 
 
Vendredi 13 décembre.


 A la radio ce matin ils ont parlé d’Arras, qui n’est pas si loin de Bousbecque, plus au Sud et plus à l’Ouest, sur la route qui mène de Saint-Omer à Cambrai. Ca m’a fait comme un coup de cul de bouteille sur l’arrière du crâne, en une seconde j’étais transportée par les rêves jusqu’aux roses trémières de mon Nord. J’ai regardé la route par la fenêtre, celle qui mène au centre ville, et mon jardin ; si je plisse un peu les yeux, le paysage se brouille, et par-dessus j’y installe ce que je veux. J’ai lu quelque part que pour figurer une pièce obscure, George de la Tour peignait tous les détails du lieu dans la lumière, avec tous les dégradés de couleurs correspondant, avant de les recouvrir d’une couche de peinture noire : comme s’il lui avait d’abord fallu faire naître la chambre dans son entier, avant d’éteindre la lumière (comme si l’obscurité n’était pas que l’obscurité : enceinte de tout ce qu’elle cache). Sous la couche de bitume de Sanvic sont tapies les couleurs de mon Nord : le long couloir orné de girofles, la cour, le noyer près du jardin des sœurs, les têtes rondes des hortensias, les rosiers et le potager cultivé avec tant de cœur par Monsieur Lecluse, les tomates que j’ai mangées là-bas pour la première fois de ma vie, le petit vélo sur lequel j’ai appris à rouler, une certaine séance de cirque où j’ai couché chez Marthe, Maméa, les tabliers de boulanger des bouleaux, les peupliers aux feuilles crasses. Le clocher de l’église Hallekerke, les berges de la Lys, plus loin le petit port d’Halluin et la route de Werviqc. Toute la peinture crasse, violente de mon Nord, gras comme les fumées d’usine, qu’ont recouverte un vernis sec, des écailles froides, le crachin du Havre. Je me suis sentie comme une exilée au ventre creux et, chose étrange, au lieu de cette tristesse salée, vaporeuse, comme un matin au-dessus de la Manche - qui chaque fois me saisit - c’était de la rage – une rage de dragon. Une immense colère partait de loin pour serrer mes mâchoires - une pince de homard qui aurait cuit. Cette fois-ci ça ne détrempait pas sous mes gros cheveux jaunes, ça gueulait « pourquoi ? »

 Pourquoi n’a-t-on pas pu m’aimer chez moi, pourquoi m’a-t-on transportée comme une vache, comme un bras amputé, comme une tubercule, dans un train de marchandises, pourquoi ne peut-on pas m’aimer entière, pourquoi on m’a-t-on coupée ? Pourquoi j’ai dû faire de ma vie la vie des autres ? Pourquoi ce que seul je peux écrire à la première personne, ce sont des souvenirs, des regrets, des tristesses abandonnées… Je vis pour les autres, je vis dans les autres, je n’ai rien en propre que mes images du Nord, mes kilos et mes lettres ; je vis par mon mari, je vis pour mes fils, je suis une étrangère, je suis une vide - énorme et superflue, je vaque à faire vivre les autres.

 
 
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13 décembre 2005 2 13 /12 /décembre /2005 09:44



Samedi 14 décembre 1968.

 Je viens de relire ce que j’ai écrit la nuit dernière, alors que je ne parvenais pas à trouver le sommeil, et j’avoue ne plus comprendre mes propres phrases ; que d’emportement, et que de confusion ! Je mets cela sur le compte de l’heure tardive et sans doute, d’une nervosité passagère (André a ces temps-ci un sommeil assez agité du fait de ses douleurs d’estomac et je pense que cela m’affecte d’une façon ou d’une autre). Ce soir une fois encore les garçons se sont bruyamment chamaillés. Les cris ont fusé pendant une bonne heure, jusqu’à ce que je les appelle pour le dîner ; à table les regards étaient noirs, les têtes baissées et les blagues mauvaises ; les cuillers à soupe dans le fond des assiettes jouaient une certaine symphonie crissière, je me figurais la grille d’un cimetière mal huilée. Quand donc cesseront-ils leurs duels mécaniques de rage ? Jusqu’à quand les bébés dragons acariâtres ?


 
 Dimanche 15 décembre 1968.

 Petite pluie fine. Quelques rayons de soleil y font un trou. Ai lavé la cuisine à grandes eaux. La gazinière était noire. Suis allée acheter des haricots et quelques patates, des filets de bœufs, du fromage blanc. Ai épluché les pommes pour la compote. Appelé Simone. Diane a pissé sur le canapé du salon. Changé les draps des lits des garçons. La chambre de Philippe - Austerlitz après le retrait des troupes. Un fragment en étoile du carrelage de la cuisine s’est brisé ce matin. Entendu un merle siffler dans le jardin au pied du cerisier.

 

Lundi 16 décembre 1968.

 Quand Roland était petit, quelques mois, dix peut-être, madame Delorme lui avait fait un joli cadeau : c’était une sorte de poule en bois l’air un peu bêtasse avec, sur le dos, trois trous soigneusement évidés, l’un en forme de rond, l’autre en carré, le troisième en triangle. Le jeu consistait à fourrer par les trous dans le ventre du gallinacé des pièces carrées, rondes et triangulaires. Souvent je repense à cette poule que mes trois garçons ont successivement malmenée et chérie, et je ne peux m’empêcher d’y voir une sorte d’allégorie de ma maternité et de notre famille. Je suis une sorte de grand morceau de bois, rouge, ou peut-être mauve, en forme d’étoile.

 Je ne sais par où rentrer dans la poule de cette famille à fuite.

 Je ne sais quelle est ma place dans cette demeure, je suis partout, je suis nulle part, je farfouille, je m’affaire, toujours à courir vers un tiroir, un évier, une porte à fermer, un bureau à ranger, repasser comme une souris derrière ceux qui viennent de passer, refaire ce qu’ils ont fait, pas fait ou mal fait, préparer ce que je sais qu’ils feront, faire ce qu’ils attendent de moi que je fasse, jamais assise, jamais vraiment là où je suis, toujours à m’excuser – par les actes – d’être où je suis, presque d’exister, de prendre de la place.

 Une place en forme d’étoile.

 
 Je suis tellement à m’affairer que finalement on ne me voit plus. J’ai beau parler, parler, parler (une vraie pipelette, une vraie commère, un moulin qui moud les paroles des autres !), j’ai beau crier, parfois pleurer, j’ai beau grossir, j’ai beau marquer partout où je passe de mon travail, mon attention, ma présence, ma marque indélébile et odorante – on ne me voit pas, ils ne me voient pas. Je suis une commode encombrante et hyperactive. Un aspirateur. Mes paroles et mes gestes sont un pépiement enchanté, dont on ne se soucie pas du sens qu’il peut avoir dans ma conscience, un gazouillis qui agace, étourdit et endort ; une agitation pour eux sans but, sans fin, comme le bruit d’une soufflerie, qu’on entend, auquel on s’accoutume, qu’on oublie. Ma place n’est pas à côté d’eux – de mes fils, de mon mari – elle est autour, dedans, dehors, entre, partout en même temps ; je n’ai pas de chaise à table mais mille chemins d’abeille de la table à la cuisine et de la cuisine à la table.

 On ne m’empêche ni ne m’interdit de m’asseoir. Une chaise me donnera-t-elle une place dans cette maison ? - où je ne parviens à la creuser : je me vis de l’intérieur sans force - poche à sang évidée - pour l’imposer – malgré tout ce qu’ils disent, malgré tout ce qu’ils pensent ; en trop, qui dépasse, je me sens illégitime, et coupable. Assise sur ma chaise osier bois brun à leur côté, cette occupation d’espace – toute simple, toute nue, statique et suspendue, un être humain à côté d’autres êtres humains – m’est impossible-insoutenable, scandaleuse, obscène. Une puissance de honte - à gros bouillons me pousse debout, à racheter : mon droit à exister parmi eux, droit à occuper de l’espace ; il faut que je travaille, que je m’agite, que je prépare que je nettoie que je répare que j’arrange (le monde à ma façon) pour me sentir exister, et pour me sentir un (petit) droit à l’existence.

 Intrinsèquement et violemment je suis une moins, et de ce fait mat je ne peux tolérer de rester en place – avec moi, en face de moi, et moi en face des autres, ce moins, moins souffle d’air appel d’air, moins aux yeux ronds d’opale.

 

Mardi 17 décembre 1968.

 André me dit que je suis bête, que je n’ai rien de moins. Il me dit que je suis son signe multiplier pour sa vie et ses joies, et je rougis.
 J’aurais aimé prendre ma juste place, ni trop ni trop peu, et n’avoir pas à la justifier.
 J’aurais aimé ne pas dévorer qui je voulais garder pour moi seule, et le garder tout petit.
 Je me demande parfois ce qu’aurait été ma vie.

  
Si j’avais pu planter mon arbre.


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10 décembre 2005 6 10 /12 /décembre /2005 09:30

 

Mamie, ma grand-mère blanche.

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