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La Capuche

  • : le bonhomme capuche
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Dans Le Fond De Ma Capuche

5 janvier 2007 5 05 /01 /janvier /2007 18:04

Quand ma mère s'est tailladée les bras avec son couteau de cuisine, il y avait deux catastrophes en jeu.

La première, c'était qu'elle meure.

La seconde, c'était que mon petit frère la découvre morte baignant dans son sang en rentrant du lycée.

J'ai répété l'inébranlable chance dure comme le silex que nous avons eue, parce que ces deux catastrophes ne sont pas advenues. Parce que l'amie est passée par là, au bon moment, à ce moment-là, pour lui enlever le couteau des mains et appeler la voiture du samu. Je le répète ici.

Dans ma tête, elle était folle, elle était hors d'elle quand elle a fait ce geste, ces gestes, qui portèrent sa main au couteau et le couteau à son bras. Dans ma tête, elle ne pouvait pas avoir pensé à Aniss, et à ses yeux quand il verrait le sang, quand il trouverait le corps. Elle n'était qu'inconscience et gouffre.

Quelle ne fut pas ma surprise quand j'ai trouvé la feuille, que l'amie avait dû glisser là comme on cache une preuve à conviction, au milieu d'un Marie-Claire, entre deux pubs pour le shampoing et les anti-rides bioformels.  Avec l'arrivée du samu, le grand drap blanc pour éponger le sang, jeté dans le bac à linge sale, avec l'angoisse, la précipitation, le couteau dans l'évier, quelques gouttes dans l'entrée. Cacher, ranger, laver, effacer ; que seul le petit bruit de la mort proche reste à planer dans la pièce, mal éclairée, comme toujours.

La feuille. Sur laquelle maman avait barbouillé une écriture toute bancale qui s'effondrait au bas de la page. La feuille sur laquelle elle avait écrit le mot pour Aniss, qu'il trouverait  à son retour du lycée. Le mot qu'elle avait écrit avant de porter la main au couteau, le couteau à son bras.

Quoi, "pardon", "je t'aime" ?

Non.

"Appelle Trou-de-balle."

Avec le numéro de téléphone portable griffonné au dessous.

Maman avait pensé qu'Aniss allait rentrer. Elle voulait qu'il rentre, qu'il la trouve ; et alors, devant son corps lourd, son corps mort, les pieds dans le sang, il aurait appelé l'amant pour lui passer le message. "Ben c'est bien fait pour toi ta faute !"

Je veux écrire que je ne juge pas et pourtant je juge, je sais bien que je juge ; en racontant tout cela je juge. Je juge la mauvaise mère qui ne rechigne pas à poignarder son enfant pour son histoire d'amour monstrueuse. J'ai envie de dire que quand elle quittait la maison dans ses engueulades brutales avec ses hommes, elle ne nous emmenait jamais, nous ses enfants. J'ai envie de dire qu'elle a crié un jour, par la fenêtre, à l'homme qu'elle aimait monstrueusement

"Emmène-les !  Je peux plus m'en occuper ! Emmène-les !"

Je suis qui pour juger ? L'une de ses filles, au front buté, qui essaie de pardonner au nom de toutes les misères qu'elle a elle-même commises, au cours de ses 29 ans de vie, au nom de toutes les souffrances qu'elle n'a pas endurées, au cours de sa petite vie de chieuse en blé. Qui essaie de pardonner mais qui se cogne, parfois, à des murs qui ne parlent pas, toute la dureté qu'elle a vu, pendant des années, dans les yeux de sa mère quand elle la regardait vivre.

Echevelée. Presque bègue. Petite autruche malhabile. Dans les jupes de sa soeur.

Je ne peux plus crier mon désarroi de vivre et l'injustice qu'on m'a faite, sans me sentir voleuse, menteuse, éhontée ; alors je hurle en montrant du doigt les coups que l'on porte à mes protégés, mes aimés ; je ne sais pas si je dois me sentir grandie de cela.

Qu'aurais-je fait de mieux à la place de ma mère dans sa vie monstrueuse ?

Je n'en sais rien ; et sans doute je n'aurais pas mieux aimé les petites créatures visqueuses qui seraient sorties de mon ventre, j'aurais fait de mon mieux, douloureusement parfois, comme elle l'a fait.

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commentaires

M
(((ox)))
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A
on a aussi le droit d'en vouloir à ceux qu'on aime.le pardon ne se décrète pas, il arrive après, parfois, si ce qui l'empêche a fini par s'épuiser.passer au-delà, déjà c'est pas facile, le pardon, bah le pardon il vient ou pas.et je ne vois pas en quoi tu devrais te sentir voleuse. Volée, d'après ce que je lis, oui, ça tu pourrais.Qu'est-ce qu'on peut faire de nos parents? est-ce qu'on peut les changer? est-ce qu'on peut renoncer à essayer? d'autres liens peuvent exister, et entre frères et soeurs il y a beaucoup de choses qu'on peut se dire et se demander. Vivre sa colère c'est déjà beaucoup, vivre celle des autres c'est trop.Mais je m'arrête là, le reste vous regarde toi et ta fratrie.je pense à toi.fort.
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