Je suis hantée par un noyau de culpabilité. Mais je ne veux pas guérir de cette sorte de maladie-là : ma pierre de culpabilité au fond de moi, comme un galet, qui me pèse dans les tripes, c'est ma conscience morale.
Toutes ces petites lâchetés qui m'habitent et me rongent.
Je me souviens de cette nuit, dans le petit appartement de Château-Landon, avec Jadd. C'était au tout début de notre histoire. Je découvrai à peine le monde dans ses yeux. Je lui avais demandé : "Mais alors, qu'est-ce qu'il faut faire ?"
"Ne jamais oublier que c'est la merde."
Voilà ce qu'il m'avait répondu.
La lourde conscience morale de tout ce que j'ai, et de toute la merde autour, de toute l'atroce souffrance, du monde, des êtres.
Jadd et moi, on se ressemble, j'en perçois toute l'obstinée vérité aujourd'hui.
Pas tranquilles. On pourrait le dire comme ça. Tiraillés, entre cet idéal de vertu et d'ascétisme intellectuel, moral, esthétique, de nous-mêmes), et cette étrange langueur, paresse, le ressenti de l'échec éternel auquel nous sommes condamnés, la conscience de notre faiblesse, de mon impuissance, de son insuffisance, de ma permanente crasse, de ses trous noirs.
Ce qui nous distingue, peut-être, au-dessus de ce cactus sur lequel nous tentons en vain de poser nos culs dans nos vies, ce qui nous distingue, c'est peut-être que je me remplis d'être devant et pour les autres, que je le recherche comme une fouine fouille la terre (frénétiquement / rageusement ? désespérément.) (Ma terreur c'est mon vide intérieur, que les autres doivent lester de leurs projections innombrables.)
Lui est davantage seul, pour lui, devant lui, et l'infinie foule de ses fantômes, à jamais insatiables et insatisfaits.
Je ne sais pas.
Sans doute j'écris juste n'importe quoi.